La FIFA : entre sport et rapports de force géopolitiques
Vendredi 26 février, Gianni Infantino a été élu pour un peu plus de trois ans président de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association). Dans l’œil du cyclone depuis les récentes affaires judiciaires, la FIFA est une fédération ébranlée qui suscite convoitises et jalousies. En effet, elle est l’institution la plus importante au monde par son nombre de pays adhérents, 209, devant, entre autres, le Comité International Olympique (206 membres) et l’Organisation des Nations Unies (193 membres). Surtout, par la manne financière qu’elle possède et les querelles politiques de gouvernance qu’elle suscite, la FIFA apparaît aujourd’hui comme une institution autant géopolitique que sportive. Et les derniers évènements ponctués d’une élection anticipée ont confirmé cette tendance.
A l’origine, on retrouve l’enquête du FBI, qui épingle celui qui est alors encore président de la FIFA, Sepp Blatter, ainsi que le président de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et candidat déclaré à la présidence de la FIFA, Michel Platini. L’un comme l’autre sont suspendus 8 ans par la Commission d’éthique de la FIFA (6 ans après les réductions de peine accordées par le Tribunal Arbitral du Sport) de toute activité liée au football, notamment pour le versement opaque de 1,8 million d’euros entre les deux responsables. Cette charge menée par l’appareil policier et judiciaire américain, qui a également vu l’arrestation de sept hauts responsables de la FIFA en mai 2015, fait notamment suite à la non-obtention par les Etats-Unis de la Coupe du Monde 2022, au profit du Qatar, ce même Qatar qui avait reçu les votes de Blatter et Platini.
Blatter écarté du pouvoir, ce sont donc des élections anticipées qui ont eu lieu vendredi dernier. Quatre candidats se sont présentés devant les 207 représentants des fédérations (le Koweit et l’Indonésie étant suspendus de vote) : Jérôme Champagne, diplomate français et ancien dirigeant de la FIFA (conseiller, secrétaire adjoint, délégué du président), le prince Ali ben Al Hussein, président de la fédération jordanienne de football, Gianni Infantino secrétaire général de l’UEFA et le cheikh Salman, président de la Confédération asiatique de football (AFC). Chacun disposant d’un réseau de soutien, les rapports de force ont mis en avant deux favoris : Infantino soutenu officiellement par les confédérations européenne (53 membres) et sud-américaine (10 membres) et Salman qui pouvait compter sur la majorité des voix de la confédération asiatique (46 membres) dont il est le président et de la confédération africaine (54 membres).
Une élection qui fait plutôt consensus dans la géopolitique du football
L’élection à la présidence de la FIFA est marquée par la règle « une fédération= une voix », plaçant ainsi sur un pied d’égalité les fédérations du Brésil, de la Grande-Bretagne ou du Vanuatu par exemple. Après, un premier tour serré, avec 88 voix pour Infantino contre 85 pour Salman, c’est Infantino qui a obtenu la majorité absolue au second tour en bénéficiant de l’appel au vote du prince Ali (30 voix au premier tour) en sa faveur. Il a finalement récolté 115 voix contre 88 à son principal adversaire. Infantino, juriste de formation, a su conquérir de nombreux soutiens grâce à une réputation irréprochable, quand le cheikh Salman était, pour sa part, régulièrement épinglé par des ONG comme Reporters sans frontières pour son rôle dans la répression de civils, notamment des journalistes, dans son pays, le Bahreïn, en 2011.
Cependant, au lendemain de l’élection du nouveau président, la Fédération pourrait être de nouveau dans la tourmente en raison d’un nouveau scandale lié à la distribution de billets de matchs lors des Coupes du monde dans les années 1990. Une nouvelle affaire qui nuit à la réputation de la FIFA, déjà dans le collimateur de la justice pour plusieurs autres affaires dont des versements d’argent illégaux et des signatures de contrats frauduleux avec plusieurs fédérations de football caribéennes.
Néanmoins, avec Gianni Infantino à la FIFA, tout le monde ou presque semble trouver son compte. Le grand public y voit un nouveau président qui promeut la transparence des revenus des hauts dirigeants de l’institution, la limitation des mandats et l’intégration d’au moins une femme par confédération continentale au Conseil de la FIFA. De leur côté, les Etats-Unis sans avoir réussi à placer un de leur soutien (le prince Ali de Jordanie, pays allié fidèle des Etats-Unis) ont réussi à écarter Blatter et Platini des instances, accusés de corruption et, officieusement, de l’attribition de la Coupe du Monde 2022 au Qatar. L’Europe, continent le plus influent dans le football mondial, garde la main avec la présence de l’ex-secrétaire général de l’UEFA au sommet de la hiérarchie mondiale. Même les très lucratifs sponsors de la FIFA (Visa, Coca-Cola, McDonald’s), qui pouvaient nourrir l’espoir de peser beaucoup plus dans la future gouvernance, doivent se réjouir, pour leur image, de l’élection d’un homme jusqu’alors exempt de toute suspicion.